Alors que nombre d'entreprises déplorent le manque d'audace, de flexibilité
	et de polyvalence de leurs jeunes cadres pendant que ceux-ci semblent
	désenchantés du monde du travail, on est en droit de s'interroger sur la
	formation reçue par nos futurs dirigeants. Réformer l'éducation pour
	préparer les jeunes diplômés aux nécessaires mutations des entreprises et
	pour réintroduire du sens pour eux comme pour les organisations, voilà bien
	le sujet de notre attente !
Les conseils en recrutement que nous sommes se doivent de pointer du doigt
	les lacunes de l'enseignement trop spécifique reçu par nos cadres. Le manque
	de compétences parallèles finit par scléroser voire bloquer le
	fonctionnement des entreprises. Le modèle qui consiste à faire rentrer sur
	le marché du travail des cadres hyperspécialisés, véritables « produits
	finis », préformatés, est aujourd'hui périmé.
En effet, à trop vouloir privilégier les mathématiques et l'intelligence
	logique, nous avons oublié de façonner des consciences, de développer des
	esprits critiques, de libérer la spontanéité et le plaisir, bref, nous avons
	omis de préparer les cadres aux responsabilités humaines auxquelles ils
	seront vite confrontés.
A fabriquer trop de spécialistes, nous nous sommes enfermés dans un schéma
	étroit dont il nous faut sortir aujourd'hui. C'est un signe des temps et, en
	écho à cette plainte, des universités mettent enfin en place des formations
	complémentaires pour une « hybridation des disciplines », ainsi définie par
	Philippe Jacqué du journal « Le Monde » du 20 octobre 2011.
De quoi s'agit-il vraiment ?
En fait, l'idée est de diversifier les formations dans l'objectif de mieux
	préparer nos futurs dirigeants à la réalité du terrain mais aussi d'ouvrir
	leur esprit à d'autres disciplines moins directement utilisables pour leur
	permettre de faire face au mieux aux défis du futur.
Ainsi, peut-on a minima mixer les formations de droit ou d'économie avec des
	langues, ou celles de mathématiques avec des sciences humaines, mais aussi
	réhabiliter les « humanités » au sens large (philosophie, histoire, lettres,
	arts…) comme le fait la licence humanités de l'université de Paris Ouest
	Nanterre.
Voici une ouverture d'esprit qu'il s'agit de saluer pour avoir des têtes
	bien faites plutôt que bien pleines !
En élargissant les connaissances à d'autres domaines, à d'autres
	disciplines, nous stimulerons ainsi chez les jeunes, l'envie d'apprendre, la
	curiosité et la confiance en eux et nous développerons la culture générale,
	mais aussi l'élan, l'altérité et l'innovation qui font parfois défaut aux
	jeunes cadres d'aujourd'hui.
Pour aller plus loin… On pourrait également inciter les étudiants à sortir
	de leur « cocon », à l'instar des pays anglo-saxons qui encouragent leurs
	élèves à prendre une année de césure. Non pas pour un échange avec une autre
	université, mais pour une réelle plongée au contact de la diversité
	culturelle.
Cela leur permettrait de connaître l'autre, mais aussi de se connaître et de
	se confronter au risque, ce risque que notre système de formation semble
	limiter aujourd'hui. En ouvrant davantage la formation à des disciplines
	artistiques, on permettrait aussi une expression des émotions qui semble
	aujourd'hui faire défaut aux managers.
Pour ce faire, il conviendrait de « réenchanter » l'enseignement, le rendre
	plus éclectique, plus créatif, plus innovant et pas seulement directement
	monnayable. Diversifier la formation permettra aux jeunes de faire face aux
	défis qui les attendent et aussi de retrouver spontanéité, plaisir du
	travail, bref… une part d'humanité.
Nous, conseils en recrutement, devons encourager les entreprises dans le
	sens de l'ouverture, les inciter à favoriser ces nouveaux parcours, afin de
	réintroduire l'humain au centre de l'entreprise et, pourquoi pas, de faire
	émerger « l'honnête homme » du XXI e siècle.
	 
	23/12/11 | 07:00 | Les Echos
MARIE TRESANINI